Quel serait le climat de la Normandie sans le Gulf Stream ?

Par Christian Gandjbakhch

Le Gulf Stream baigne les eaux normandes. Il apporte un courant continu de chaleur venu du Golfe du Mexique. Certains avancent que, si ce courant s’affaiblissait, le climat de Normandie serait celui de Montréal, avec ses hivers très rigoureux. Est-ce vrai ?

Cette question prend un nouveau sens avec le changement climatique qui a déjà commencé à modifier les grands courants marins des océans du monde. 

Montréal est situé plus au Sud que le Le Havre. Pourtant, les minimales moyennes y sont de -12° en janvier, contre une minimale moyenne de +4° au Havre.

Les chiffres sont encore plus spectaculaires avec Vladivostok, le port russe sur le Pacifique, lui aussi bien plus au Sud que la Normandie. Les minimales moyennes de janvier y sont de -21°. Est-ce que, si le Gulf Stream s’affaiblissait, la Normandie aurait ce type de climat très rude ?

Le Gulf Stream prend sa chaleur dans les Caraïbes, longe la Floride, avant de traverser l’Atlantique.  

Cotentin Palmiers © Christian Gandjbakhch

Le climat du Cotentin est particulièrement influencé par le Gulf Stream. On y trouve une végétation rare sous ces latitudes.

Situé à l'Ouest de Cherbourg, le jardin Jacques Prévert abrite de nombreuses espèces exotiques et tropicales, qui s'épanouissent grâce à la douceur du climat.

De nombreux signes montrent que le Gulf Stream s'affaiblit actuellement. Une étude de la revue Nature Geoscience constate que l'intensité du Gulf Stream a déjà diminué de 15% et estime que cette baisse pourrait atteindre plus de 30% d'ici la fin du siècle.

La fonte des glaces de l’Arctique réduit le Gulf Stream.

Avec le changement climatique, les eaux douces gelées du Grand Nord fondent. C’est tout le fonctionnement de l’océan qui est modifié.

Ce n'est pas juste que l'eau froide venue du Nord remplace directement l'eau chaude venue du Golfe du Mexique.

Le vrai phénomène est, en fait, un peu plus complexe : l’eau douce libérée change le taux de sel dans de grandes parties de l’Ocean. C’est cela qui modifie les courants de l’Atlantique. 

L’eau douce est moins dense, moins “lourde” que l’eau salée : elle se retrouve au dessus de l’eau salée.

Les courants marins chauds, moyennement salés, qui devraient être au dessus, se retrouvent, maintenant, sous cette nouvelle eau douce.

Ce phénomène est à la base de la modification des courants habituels, et, en premier lieu, du Gulf Stream.

Fonte des glaces.

Le Groenland, au Nord de l’Atlantique, est recouvert d’une épaisse couche de glace. Depuis plusieurs décennies, cette glace devient de l’eau douce qui se déverse dans l’océan. Le rythme est de 30 millions de tonnes par heure.

Il n'y a pas que le Gulf Stream qui influence le climat normand.

Alors, une Normandie avec beaucoup moins d'influence du Gulf Stream, évoluerait-elle vers un climat à la Montréal ou à la Vladivostock ? Pas forcement.

Les courants marins comptent, mais les grands courants atmosphériques comptent aussi. Et, à nos latitudes, dans l'hémisphère Nord, ces courants vont, sur toute la planète, de l'Ouest vers l'Est. C’est pour cette raison que la Normandie reçoit, le plus souvent, le vent de l'Ouest. 

En fait, une Normandie sans Gulf Stream ne ressemblerait ni à Montréal, ni à Vladivostok, qui sont situées tout à l'Est de leur continent. Ces villes ont un climat naturellement....continental.

Une Normandie sans Gulf Stream ressemblerait sans doute plus à la région de Vancouver. 

Ce grand port canadien est situé exactement à la même latitude que la Normandie. Il est, lui aussi, tout à l'Ouest de son continent. Mais Vancouver n'a pas de Gulf Stream. Bien au contraire, les courants marins qui longent la ville sont très froids, venus directement de l’Alaska : la température de la mer n'y dépasse pas les 12° en plein mois d'Août. 

Une Normandie avec un Gulf Stream réduit aurait probablement un climat proche de celui de Vancouver. Et ce n'est pas du tout un climat à la Montréal ou à la Vladivostok.

A Vancouver, les minimales de janvier sont de +3°, juste deux degrés inférieures à celles de Cherbourg, la ville normande qui bénéficie le plus du Gulf Stream. La végétation y est légèrement différente, avec plus de sapins qu'en Normandie. Mais, c'est un climat assez doux pour que certains types palmiers le supportent très bien. 

La végétation variée de la région de Vancouver, à quoi ressemblerait, peut-être, une Normandie si le Gulf Stream se réduisait.

Une Normandie avec un Gulf Stream réduit ne serait probablement pas transformée en une zone glacée. Le climat y serait, probablement, juste un peu plus frais. Mais, la mer y serait vraiment très froide, toute l'année.

A moins que….

Le scénario catastrophe.

Des climatologues de l’Université d’Utrecht au Pays-Bas ont publié en 2025 une étude sur l’impact qu’aurait, non pas une réduction du Gulf Stream, mais son effondrement complet. Leur étude porte sur le climat de tout le Nord-Ouest de l’Europe.

Ils envisagent ce scénario : un réchauffement planétaire de +2° et la survenue d’un “événement de bascule”, provoquant l’interruption du Gulf Sream (dérèglement de l’AMOC).

Leurs prévisions sont que cela provoquerait :

  • Une baisse générale des températures, surtout pendant les hivers.

  • Des événements ponctuels de froid intense.

  • Une plus grande variabilité générale des températures, avec des fluctuations très importantes.

  • Des tempêtes plus fréquentes.

L’étude est disponible sur le site de Geophysical Research Letters

Alors, la Normandie ne serait pas si différente avec un Gulf Stream même fortement réduit. Mais l’interruption complète de ce courant marin qui s’est formé il y a des millions d’années, aurait elle, de vrais conséquences.