
Balistes, thons rouges, dorades royales : ces nouveaux poissons des eaux normandes
C'était en 2020 : un pêcheur de Courseulles dans le Calvados remonte un baliste, un poisson de forme ovale qui vit habituellement en Méditerranée. Un des signes que la faune marine des eaux normandes change.
Depuis 5 ans, les pêcheurs de Cherbourg et Granville ramènent fréquemment au port des thons rouges, dont certains mesurent plus de 2 mètres de long. Une espèce qui n'existait pas dans les eaux normandes, ou plutôt qui n'existait plus. Car, il y a plus de 60 ans, il y avait du thon rouge dans la Manche, mais il avait disparu. Quelle est la cause de ce phénomène ?
Les scientifiques pensent à des variations de température dans l'espace atlantique. Des variations qui sont en partie liées à des cycles naturels et en partie liées au réchauffement climatique.
En tous cas, Il est certain que nombre d'espèces de poissons sont extrémement sensibles à la température.
Des espèces qui supportent mal les eaux chaudes
Des chercheurs du CNRS ont conduit une expérience passionnante sur des dorades royales de Méditerranée en captivité. Ils ont suivi leurs données de santé, en faisant varier la température de l'eau. A 25°, leurs constantes sont toutes normales. A 27°, les dorades royales présentent des signes de souffrance, leur coeur bat plus vite. Et 29° est trop pour elles.
Les relevés en mer montrent que les dorades royales fuient systématiquement quand l'eau atteint les 28°. Ce qui est de plus en plus fréquent en Méditerranée. Cette même dorade royale, qui s’enfuit donc de Méditerranée au cours des épisodes de grande chaleur, on la retrouve maintenant massivement dans les eaux normandes.
L’arrivée de nouveaux poissons dans les eaux normandes est liée au réchauffement climatique. Mais pas seulement.
L'état des ressources marines de la région est actuellement plutôt bon. C’est ce qu’a constaté l'Ifremer dans son étude générale de 2021. La richesse de la faune de la Manche pourrait aussi expliquer en partie l’arrivée de nouvelles espèces, en quête de petites proies.
Des avantages, mais aussi des défis
La Manche attire de nouvelles espèces et ces arrivées ouvrent parfois de nouvelles opportunités de pêche. Mais, il y a aussi des conséquences négatives.
La dorade royale qui se multiplie donc dans les eaux normandes est un animal très vorace. Ses dents broient la carapace des crustacés de toutes sortes. L’espèce ravage actuellement les élevages de moules. Les dorades royales ont déjà eu raison d'élevages bretons et on constate actuellement cette même action sur les moules en Normandie, notamment dans le département de la Manche.
La hausse moyenne de la température des mers conduit à l’apparition de nouvelles espèces en Normandie, mais elle en menace d’autres.
Dans la baie de Granville, les bulots souffrent d’un mer trop chaude. Pour se reproduire, ils ont besoin de températures sous les 7° l’hiver, ce qui n’est plus toujours atteint. Des baisses considérables de la quantité de bulots pêchés ont été récemment constatées.
Avec le changement climatique, la vie change dans les eaux normandes, avec ses nouveaux venus, mais aussi ses espèces menacées.